Coiffer Sainte-Catherine : la vie des jeunes femmes françaises au XXème siècle

Le travail d’Anne Monjaret, anthropologue de la mode, sur le rituel lié à Sainte-Catherine nous apprend plein de choses sur la vie des femmes et des jeunes filles en France au XXème siècle. 

Livre d’Anne Monjaret sur les Catherinettes

L’expression “Coiffer Sainte-Catherine” est lié à une sainte chrétienne, qui est la sainte marieuse, patronne des filles à marier. Le rituel de coiffure de Sainte-Catherine est réalisé par des jeunes filles, de 15 à 25 ans, non-mariées, qui coiffent la Sainte et l’habillent en lui mettant des épingles et une couronne. Il s’agit en fait d’une manière de participer à ce par quoi elles vont passer lorsqu’elles passeront par la cérémonie du mariage. Ce rituel est censé favoriser le mariage de ces jeunes filles, dans l’attente du futur mari. Lorsqu’on posait la question : “Est-ce que tu coiffes Sainte-Catherine ?”, c’était une manière de demander l’âge et la situation maritale d’une femme.

Sainte Catherine d’Alexandrie, Guinet Claude, 1507. Source : Musée des beaux-Arts de Lyon

La chevelure des femmes devait être maîtrisée et coiffée : une chevelure non coiffée et non-maîtrisée est lié à la non-maîtrise de son corps, et donc de sa sexualité. Ainsi, l’expression “être en cheveux” désignaient notamment les prostituées. La chevelure est un symbole de sexualité. En effet, en particulier dans la première moitié du XXème siècle, les femmes, passées la puberté, devaient se couvrir la tête et porter une coiffe, qui prend la forme d’un bonnet. Le chapeau était porté comme étant un signe de modération, de pudeur, de retenue de soi-même.

Après les années 1920, on passe du bonnet au chapeau : le chapeau des catherinettes. On devient catherinette lorsqu’on atteint l’âge de 25 ans sans être mariée ! Le 25 novembre était la Sainte-Catherine : en ce jour se tenait une fête où des jeunes femmes décorent particulièrement leurs coiffes. En ce jour de fête, c’est le jaune et le vert qui priment. 

Ces couleurs ont aussi une symbolique particulière. Le jaune par exemple, serait une sorte de blanc passé de date, le blanc de la mariée qui, avec le temps pendant lequel la jeune fille ne s’est pas mariée, est devenu jaune.

Dans les années 1950 et 1960, les tendances s’ingèrent dans ces chapeaux et ils sont personnalisés pour distinguer la femme mariée de la femme non-mariée (en dehors de la fête de la Sainte Catherine).

Archives Le Soir

En 1969, l’Eglise a considéré Sainte-Catherine comme apocryphe, c’est-à-dire que son histoire et ses vertus ne relèvent que d’une simple légende. Cependant, la fête a longtemps continué à être célébrée.

Aujourd’hui, des femmes ont tenté de faire revivre cette fête dans certaines villes. D’ailleurs, la Sainte-Catherine est encore largement fêté dans le monde la mode, dans les grandes maisons parisiennes, car le milieu de la couture a été très lié à cette fête d’habillage de Sainte-Catherine et de coiffes des catherinettes.

Source : L’Union, 2019
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