« Le plus beau métier du monde : dans les coulisses de l’industrie de la mode » de Guilia Mensitieri – Book review

On pourrait penser que le rêve de la mode est une utopie, un idéal. Mais la mode est aussi une industrie de travailleurs, d’usines, d’ateliers, de corps, de matières, d’espaces, d’objets.

L’autrice

Giuilia Mensitieri est docteure en anthropologie. Elle a réalisé sa thèse sur la mode, dans le centre mondial de la mode : Paris. Elle a effectué une étude de terrain en lien avec les industries de la mode et notamment de la mode de luxe. Son terrain se fait à presque tous les niveaux : dans les coulisses des shootings photos pour des magazines, dans les coulisses de défilés, en contact avec les mannequins, les stylistes, les stagiaires… Tous les travailleurs de ce monde qui fait rêver. Et en parlant de rêve….

L’essentiel

S’il y a bien une chose que l’on retient après avoir lu ce livre, c’est le lien entre la mode et le rêve. Le monde de la mode véhicule un imaginaire onirique très puissant, et très attirant. L’auteure met l’accent sur un secteur de la mode qui, malgré le rêve qu’il véhicule, est un secteur capitaliste par excellence : toutes les personnes travaillant pour l’organisation des défilés, des shootings, dans les entreprises prestigieuses de la mode et qui préparent tous ces projets… quelles vies ont-ils? Combien de temps travaillent-ils ? Comment sont-ils perçus dans la société ? Combien gagnent-ils (par rapport aux efforts et aux heures fournies) ? À quoi ressemblent leurs quotidiens ?

Travailler pour Dior, Chanel ou Yves Saint-Laurent, c’est une chance incroyable, n’est-ce-pas ? De faire partie de ceux qui participent au prestige de la marque ! G. Menistieri montre que le fait que la valeur symbolique (le prestige) du secteur de la mode soit élevée est justement ce qui justifie les très faibles rémunérations des travailleurs. Par conséquent, les travailleurs sont peu payés en termes de salaire. Souvent, ils peuvent être rémunérés en produits de beauté (mannequins) voire en “train de vie de luxe” pour ce qui est des directrices de magazines ou photographes (accès aux hôtels, aux cérémonies, etc.). Autrement dit, le capital financier attribué aux travailleurs est faible, et est compensé par le fort capital symbolique (prestige) que possèdent les grandes maisons de mode, ainsi que l’imaginaire qu’elles véhiculent.

Un très grand nombre de travailleurs dans la mode sont stagiaires pendant de longues périodes. Les petites mains du textile ont souvent à l’occasion des défilés, un nombre d’heures de travail énorme. Ces situations des différents corps de métiers de la mode est ce qu’elle décrit à plusieurs reprises dans le livre, à travers l’exemple de plusieurs personnes, dont on suit le parcours et l’histoire tout au long du livre.

Zoom sur le chapitre 3 : Un système-mode mondialisé

Dans ce chapitre, elle met l’accent sur la fameuse étiquette “Made In China”. La mode actuelle a beaucoup à voir avec la globalisation : après son industrialisation progressive au XXIème siècle, la délocalisation est un véritable phénomène mondial qui touche la mode de plein fouet. De plus, la mode véhicule tout un imaginaire sur les différents pays. La France et l’Italie ont une image d’excellence et d’élégance en terme de mode et de production de mode, tandis que la Chine qui joue un rôle central dans l’industrie de la mode est souvent dépréciée. Le “Made In China” est très souvent perçu comme négatif à cause d’une certaine image qu’on aurait de ce pays (faible qualité du produit, conditions de production déplorables, délocalisation…). Un vêtement qui aurait l’étiquette Made In France serait, à l’inverse, immédiatement identifié comme un vêtement de qualité, ou de luxe sans même chercher à vérifier si réellement, les conditions de production et les matériaux utilisés sont de bonne qualité.

En résumé, la globalisation n’a pas seulement crée des inégalités économiques entre les pays : elle a en plus créé des inégalités symboliques. De la même manière que les voitures allemandes seraient les meilleures (peu importe si c’est vrai ou pas), les chaussures italiennes seront de la même manière, meilleures “par essence”, que des chaussures indiennes par exemple. Peu importe si ces réputations sont fondées ou non, ces produits sont quoiqu’il en soit directement impactés par cette image.

Lisez-le, il est facile à lire !

L’avantage du livre est qu’elle suit tous les principaux corps de métiers de la mode : les mannequins et leurs agences, les photographes, les stylistes mais aussi les stagiaires et les événements tels que les défilés. Elle est présente dans les métiers des images de la mode, mais aussi dans les métiers d’objets de la mode. Son ethnographie se révèle donc être assez complète pour appréhender un sujet d’étude énorme tel que la mode. De plus, en adoptant une approche marxiste (au sens de “critique du capitalisme”), la question posée dans ce livre concerne surtout sur la réalité du domaine, là où la plupart du temps, on ne pense qu’à ce que la mode veut nous montrer, c’est-à-dire, une production de produits de rêve.

N’hésitez pas à donner votre avis sur le livre en commentaire !

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